
23-28 février
Une partie de cette semaine est consacrée à notre travail en cours (avec le pasteur Vanh) sur l’histoire de l’Église en laotien – ainsi qu’à récolter les éléments pour une biographie.
Nous sommes très reconnaissant de voir notre cher ami en relative bonne forme, après les ennuis de santé qu’il a rencontrés l’an dernier – et nous avions pu craindre de ne plus le revoir !
(mais ce jour, mercredi 12 mars, où je mes en ligne ces nouvelles, il est de nouveau très peu bien et sur le chemin de l’hôpital pour une pneumonie)
Un parcours hors du commun
Voici quelques éléments de ce parcours hors du commun du Dr Prafix.
Issu d’une famille bouddhiste de Thakhèk, Prafix a entendu parler de l’Évangile déjà durant le temps de sa jeunesse. Il a été engagé comme infirmier par le Dr Chris Maddox à Paksong-Lahanam, à 70 km au sud de Savannakhet, et c’est là qu’il s’est converti, avec un modèle de vie au service du prochain qu’incarnaient Chris et Catherine Maddox. C’est là qu’il a tout appris sur le plan médical, aussi bien en médecine générale, qu’en chirurgie et en ophtalmologie (Catherine était ophtalmologue).
Ce projet médical à Paksong-Lahanam jouera d’ailleurs pour nous un rôle clé plus tard, après l’arrivée du régime actuel en 1975. C’était un projet financé par Pain pour le Prochain, en coopération avec une branche asiatique du Conseil œcuménique des Églises (Asian Christian Service). Et c’est le représentant indonésien de cet organisme qui nous permettra, dans les premières années très rigides de la nouvelle République populaire démocratique Lao, d’obtenir des visas et de recréer progressivement des liens avec le pays.
En 1975, tandis que nombre de Laotiens fuient vers la Thaïlande voisine, vidant notamment le pays de la majorité de ses élites (un bon 10 % de la population s’exile durant les 10 premières années), Prafix et Soukouane décident de rester. S’ils avaient voulu partir, ils auraient certainement eu tout l’aide des Maddox… Prafix se retrouve alors le seul à savoir faire des opérations chirurgicales à Savannakhet et le seul ophtamologue de tout le Sud du Laos. Quelques années plus tard, avec l’aide de l’ONG Norwegian Church Aide, il deviendra directeur du centre ophtalmologiqe de Savannakhet, qui aura un rayonnement remarquable dans toutes les provinces du Sud.
Il prend aussi des responsabilités dans l’Église, et se rend régulièrement à Vientiane, où les chrétiens sont déboussolés par la plupart des pasteurs sont partis (notamment chez les Hmong, une ethnie qui se retrouve en mauvaise position vu son implication dans la guerre américaine contre les troupes communistes). Dans le Sud, où très peu de leaders sont partis et où les Églises ont l’habitude d’une direction par un conseil d’anciens, la vie cultuelle continue – toujours sous surveillance.
Ce double engagement du Dr Prafix, avec des responsabilités tant dans l’Église que dans le service public, est unique dans ce pays où on n’accède aux postes à responsabilités qu’en étant membre du parti. Et il n’est pas entièrement du goût des autorités, qui ont tenté, à coup de belles promesses d’avantages et de promotion, y compris auprès de l’épouse, de persuader Prafix de laisser tomber son engagement dans l’Église. En vain…
A la retraite depuis bon nombre d’années, notre ami est resté actif au service de ses compatriotes. Il est notre principal contact dans notre appui pour les Églises, et c’est encore à son initiative que la fondation ADF a été lancée… mais qui manque encore de ressources pour prendre son envol.
Rencontres surprise

Lundi soir (24.2), nous apprenons la visite à Savannakhet d’une famille laotienne de France que je connais bien. Dara et Phetsamone sont un couple de Laotiens de Savannakhet partis comme réfugiés après 1975. Accompagnés d’une de leur fille et son mari, ils reviennent pour la première fois au pays. Nous nous retrouvons pour un repas en commun chez Phouvong, un des responsables de l’Église d’ici. Dara et Phouvong étaient dans le groupe de jeunes de l’Église de Savannakhet alors que je fais mes premiers pas au Laos… et ils évoquent quelques souvenirs musicaux de l’époque.
Et le mardi, tandis que nous travaillons sur notre documentation et nos interviews avec Vanh et Prafix, chez Prafix au km 10, deux visites surprise…
Ce sont d’une part deux responsables d’une Église de la région, venus chercher aide et conseil pour un conflit dans la communauté…
Et puis ce sont Dara et famille qui débarquent. Comme de juste, sans s’annoncer. Mais ils avaient tout de même amené quelques victuailles, et nous partageons un beau repas ensemble sur la véranda, dans la convivialité laotienne proverbiale que je connais…
Une jolie maison, tout en bois et tout en bricolage – quel contraste avec les maisons et les voitures que s’offrent certains fonctionnaires…




B4Lao
C’est le centre de formation soutenu par le SME à Savannakhet, dirigé par Nathan Inthasone, fils de Prafix. Il offre diverses formations professionnelles de courte durée (couture, cuisine, coiffure notamment) à des jeunes de la région – principalement issus des régions périphériques plus pauvres.
De Savannakhet à Paksé
Vendredi matin, nous nous mettons en route avec les Steffen pour Paksé. Une belle route (selon les standards d’ici), mais néanmoins modérément abîmée dans certains zones. Et si un camion ralentit devant nous avant un pont, mieux vaut être prudent… sinon gare à la suspension et les passagers risquent de faire un solide saut vertical (pas très bon pour la colonne vertébrale).
Dans tout une région (depuis Khongsédone et peut-être sur une trentaine de km), la proximité de la rivière a permis d’irriguer de grandes surfaces, avec de belles rizières vertes en contraste avec le paysage desséché ailleurs. Un arrêt photo s’impose…
A Paksé, tandis que les Steffen logent chez des amis (les Lobo), je retrouve mon hôtel deux étoiles habituel… Le soir, après un repas délicieux au petit restaurant voisin, promenade au bord de la rivière (la Sedone, justement) puis le long de l’embouchure et du Mékong, où je découvre le marché de nuit. Tandis que je déambule, voilà que je tombe sur… la famille de Dara que nous avions retrouvée à Savannakhet, en train de manger une glace avant de rejoindre leur hôtel.
Et comme si ça ne suffisait pas, je me fais accrocher par deux jeunes femmes qui me reconnaissent, dont Thep ou Thip, je ne sais pas trop, qui a travaillé autrefois dans le projet du SFE de Kapeu (clôturé en 2019 sous la direction de Dawn Lewis[1]) et travaille maintenant avec Terra Clear. Toute contente, elle prend une photo pour l’envoyer à «Mè-Dawn» (= «maman Dawn).


Samedi soir, 22 février.
Dernière nuit à Paksé. Demain, en route pour une semaine en Thaïlande…
Et pour le plaisir des yeux, le soir au bord du Mékong à Savannakhet…
